L’audiodescription comme aide aux visiteurs malvoyants : comment rendre l’art accessible ? – partie 3

par Cannelle Dewaeles chez ALTO

Dans les deux précédents articles, nous avons abordé l’audiodescription comme solution de médiation sonore pour les personnes aveugles et malvoyantes, ainsi que les étapes de son élaboration. Pour conclure cette série d’articles, nous vous proposons d’évoquer quelques bonnes pratiques à adopter, en amont et lors de la conception de l’audiodescription. C’est une occasion de réfléchir aux acteurs à impliquer dans la chaîne de production, mais également à la manière dont l’audiodescription est pensée à l’échelle plus globale du parcours de visite, voire de la politique d’accessibilité de l’établissement culturel.

Avant toute chose, il nous semble essentiel de rappeler que les dispositifs de médiation à destination des publics non et malvoyants ne peuvent pas s’auto-suffire et doivent être intégrés dans une démarche et une réflexion plus large sur l’accessibilité du site. Il faut ainsi par exemple penser à former les équipes sur place et en interne, à faciliter la déambulation dans le parcours de visite, à adapter la signalétique, et bien sûr en amont à maximiser l’accessibilité du site lui-même – dans la mesure du possible.

Il est également important de mobiliser les ressources humaines adaptées à ce type de dispositif, et ce dès la conception du projet si possible. Dans le cas du parcours du Louvre Lens, les équipes ont ainsi travaillé en étroite collaboration avec des experts de l’audiodescription, rédactrices ou associations spécialisées, qui ont été impliquées dans le choix des œuvres et des informations clefs à conserver.

A minima, cette collaboration devrait se faire lors de la phase de test. Faire appel à des testeurs atteints de déficience visuelle nous paraît essentiel pour s’assurer que le produit répond aux besoins de ces publics cibles. Chez Alto, nous travaillons par exemple avec des associations de personnes non et malvoyantes, qui relisent systématiquement nos scripts et testent nos audioguides in situ afin d’évaluer les aspects suivants :

  • le niveau description ;
  • la durée générale du parcours et celle de nos commentaires ;
  • les dispositifs tactiles (prise en main) ;
  • la facilité de déambulation dans le parcours de visite ;
  • l’utilisation de l’appareil (son usage est-il intuitif et accessible pour une personne non ou malvoyante ?) ;
  • l’expérience globale (répond-elle bien aux exigences d’un moment de loisir culturel ?) ;

Enfin, parler d’audiodescription, c’est aussi se poser la question de l’accessibilité universelle des dispositifs de médiation – et plus généralement des parcours de visite. L’accessibilité universelle s’entend comme un idéal vers lequel chaque institution culturelle devrait tendre, et se définit comme le fait « d’offrir, grâce à divers dispositifs multi-sensoriels, un accès aux contenus adapté à tous les publics, qu’ils soient en situation de handicap physique, sensoriel ou mental, francophones ou non, jeunes ou plus âgés, savants ou néophytes » d’après les mots du Ministère de la Culture.

La mise en place de dispositifs à destination des publics en situation de handicap visuel s’intègre donc dans cette optique, mais nous invite à nous interroger : faut-il proposer un dispositif spécifique par typologie de handicap, ou bien réfléchir à une solution unique adaptée à tous les publics ?

Si le choix s’oriente le plus souvent vers un dispositif spécifique (mise à disposition d’un audioguide en audiodescription), le musée de la Marine – que nous avons rencontré dans le cadre du projet REACT – a choisi de concevoir un parcours unique accessibles à tous, soit qui intègre des dispositifs de médiation adaptés à tous les publics, y compris les non et malvoyants. A titre d’exemple, les maquettes tactiles mises à disposition ainsi que les contenus audio associés sont pensés avant tout pour les publics aveugles et malvoyants, mais sont aussi destinés aux publics non atteints de déficiences visuelles. Cette approche présente l’avantage de proposer une expérience plus homogène et inclusive à tous les profils de visiteurs, et d’éviter la stigmatisation des publics en situation de handicap, qui bénéficient alors des mêmes dispositifs de visites que les publics non handicapé. Mais l’une de ses limites concerne la priorité d’accès, et se pose lorsque l’on propose un même dispositif à des publics qui n’en font pas le même usage : s’il est un outil facultatif et pédagogique pour les publics n’étant pas en situation de handicap visuel, il est un support essentiel pour les personnes non et malvoyantes, bien qu’elles n’aient pas la priorité sur son utilisation.

L’audiodescription, en mobilisant l’ouïe, apparaît ainsi comme une solution efficace en faveur de l’accessibilité des lieux culturels aux publics non ou malvoyants, mais implique de faire des partis pris tant créatifs, qu’éditoriaux ou engagés, voire militants lors de son élaboration.

L’accessibilité numérique
et son importance
pour les musées

L’audiodescription comme aide aux visiteurs malvoyants : comment rendre l’art accessible ? – partie 2